Critique : La Salle des profs

Date de sortie
6 mars 2024
Réalisation
İlker Çatak
Casting
Leonie Benesch, Michael Klammer, Rafael Stachowiak...
Durée
1h39
Genre
Drame
Nationalité
Allemagne

Synopsis

« Alors qu’une série de vols a lieu en salle des profs, Carla Nowak mène l’enquête dans le collège où elle enseigne. Très vite, tout l’établissement est ébranlé par ses découvertes. »

Nommé dans la catégorie du meilleur film international aux Oscars 2024, La Salle des profs d’İlker Çatak se distingue comme un véritable outsider face à une concurrence particulièrement féroce, comme l’atteste la présence du grand favori, La Zone d’intérêt, de Jonathan Glazer (lire notre critique). Immense succès public et critique en Allemagne, La Salle des profs a notamment remporté 5 Lola, l’équivalent de nos Césars.

Le film d’İlker Çatak s’ancre en plein cœur d’une école filmée sous la forme d’un huit-clos. Au cinéma, filmer l’école relève toujours de l’épreuve fastidieuse, car il n’est pas toujours évident de capter l’essence même d’un lieu aussi complexe. La caméra de Çatak relève pourtant ce défi haut la main, filmant avec précision chaque lieu emblématique de l’établissement pour en faire le théâtre d’une tension croissante : la salle de classe, la salle des profs, la salle de sport, la salle du journal de l’école… : chacun de ces espaces, habituellement dédiés à l’apprentissage et à l’épanouissement, devient ici le décor de scènes cruciales, participant à l’élaboration d’un suspense palpable et de confrontations que l’on croirait sorties d’un western.

Conçue comme le miroir d’une société contemporaine, cette école reflète avec intelligence les dynamiques sociales et les rapports d’autorité qui caractérisent notre époque. Chaque personnage, de l’enseignante au corps administratif, en passant par les élèves et leurs parents, y occupe une place spécifique, contribuant à une hiérarchie complexe et nuancée. Ce microcosme, où les statuts et les relations d’autorité sont finement dessinés, souligne avec justesse les ambiguïtés et les contradictions inhérentes à tout groupe social organisé.

Le récit démontre avec finesse comment un incident mineur (une simple affaire de vol), semblable à un caillou dans la chaussure, peut rapidement dérégler un engrenage parfaitement conçu, et ébranler toute une communauté. La fameuse « politique de tolérance zéro » adoptée par l’établissement, loin d’être la solution miracle, contribue paradoxalement à envenimer une situation à priori anodine, révélant les limites d’un système en quête d’une image de perfection et d’ordre.

Au cœur de cette tourmente se trouve Carla Nowak, une enseignante déterminée et passionnée, incarnée avec brio par Leonie Benesch. Sa performance, à la fois puissante et nuancée, illustre la complexité d’un métier en constante évolution, tiraillé entre les idéaux et la fatalité du quotidien extra-scolaire. La trajectoire de Carla, qui se voit rattrapée par la dure réalité de sa profession, incarne le symbole d’un système éducatif en crise, incapable de maîtriser les dérives accentuées aujourd’hui par les réseaux sociaux. Sa relation tumultueuse avec ses propres élèves surligne la complexité des relations professeur-élève, teintées de méfiance et de malentendus, où le dialogue devient peu à peu impossible.

Si La Salle des profs ne créera sans doute pas la surprise aux Oscars (dans la nuit de dimanche à lundi), il n’en reste pas moins une œuvre particulièrement intelligente et redoutable d’efficacité. Plus qu’un regard sur la descente aux enfers d’une enseignante, İlker Çatak dépeint l’effondrement d’un système tout entier, écrasé par des enjeux de société qui dépassent le simple cadre scolaire.

Critique : La Salle des profs
Conclusion
Si La Salle des profs ne créera sans doute pas la surprise aux Oscars (dans la nuit de dimanche à lundi), il n'en reste pas moins une œuvre particulièrement intelligente et redoutable d'efficacité. Plus qu'un regard sur la descente aux enfers d'une enseignante, İlker Çatak dépeint l'effondrement d'un système tout entier, écrasé par des enjeux de société qui dépassent le simple cadre scolaire.
Pour
Leonie Benesch est parfaite dans le rôle d'une enseignante écrasée par le système
Un scénario diabolique d'efficacité
Un discours sur l'école ambigu mais particulièrement pertinent
Contre