Synopsis
« Paris, 1985. Vanessa a treize ans lorsqu’elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain quinquagénaire de renom. La jeune adolescente devient l’amante et la muse de cet homme célébré par le monde culturel et politique. Se perdant dans la relation, elle subit de plus en plus violemment l’emprise destructrice que ce prédateur exerce sur elle. »
À l’heure d’une puissante vague #MeeToo à la française (comme le soulignent les récentes accusations contre Benoît Jacquot, Gérard Depardieu, Jacques Doillon ou encore Philippe Caubère), Le Consentement émerge comme une adaptation fidèle du récit autobiographique bouleversant de Vanessa Springora publié en janvier 2020, qui nous plonge dans les méandres de l’emprise et des abus sexuels qu’elle a endurés, dès l’âge de 14 ans, entre les mains du romancier Gabriel Matzneff. Ce dernier, figure longtemps célébrée du milieu littéraire, avait la particularité troublante de ne pas cacher ses inclinations pour les jeunes enfants, une facette de sa personnalité qu’il exhibait sans gêne dans ses écrits.
Dès sa publication, le livre de Vanessa Springora a provoqué une onde de choc significative dans le milieu littéraire et culturel. Le Consentement a mis en lumière les failles évidentes d’une époque et d’une certaine classe sociale, et a ouvert un débat crucial sur les abus de pouvoir et la manipulation dans les milieux culturels. Avec son second long-métrage (après le réjouissant Gueule d’ange en 2018), Vanessa Filho souhaite donner un second souffle à cette accusation, tout en apportant sa propre vision d’une relation particulièrement difficile à retranscrire sur grand écran.
Pourtant, et ce dès les premiers échanges entre Matzneff et Springora, le film peine à égaler la portée des mots de l’œuvre originale. Il ne semble jamais pouvoir se détacher de son matériau original, ne faisant que mettre en images (toujours avec justesse mais sans la moindre fulgurance) les mots de Vanessa Springora.
Toute la complexité de cette adaptation peut être résumée par Vanessa Springora elle-même, lorsque cette dernière s’exprime sur le traitement de l’affaire à l’époque :
« Comment admettre qu’on a été abusé, quand on ne peut nier avoir été consentant ? Quand, en l’occurrence, on a ressenti du désir pour cet adulte qui s’est empressé d’en profiter ? […] Ce n’est pas mon attirance à moi qu’il fallait interroger, mais la sienne. »
En témoigne le choix de Jean-Paul Rouve pour interpréter Gabriel Matzneff, face à une Kim Higelin remarquable pour son premier rôle au cinéma. Bien que particulièrement impliqué dans son rôle, la performance de Rouve perd une partie de la subtilité et du charme malfaisant de Matzneff, qui aurait pu rendre le personnage plus foncièrement réel et, par conséquent, plus terrifiant. Prenant le parti de réduire la figure de Gabriel Matzneff à un simple monstre de contes pour enfant (cette main monstrueuse naviguant sur le corps de la jeune Springora, comme pour souligner l’emprise du monstre sur sa victime) dans le but de souligner l’horreur des actes commis à l’époque, cette vision atténue finalement malgré elle la complexité d’une situation bien réelle, au manichéisme de la fiction.
Le livre de Vanessa Springora parvient à capter une forme d’expression où le langage façonne directement l’expérience du lecteur, créant un espace intime de réflexion et d’indignation. Les mots de l’autrice réduisent Matzneff à un simple “G.” à plusieurs reprises dans le récit. Cette simple lettre, apporte dans son caractère réducteur une puissance évocatrice terrifiante, invitant le lecteur à se construire sa propre vision d’un séducteur manipulateur, mais surtout, d’un monsieur tout le monde. Le passage à l’écran, malgré les intentions sincères et l’engagement des deux acteurs, semble diluer cette intensité, se contentant souvent de reproduire des événements du passé plutôt que d’explorer la complexité des dynamiques de pouvoir et la profondeur des traumatismes en jeu.
Si Le Consentement de Vanessa Filho reste une contribution importante à un dialogue plus que jamais d’actualité. Cependant, le film nous ramène toujours à l’inadaptable puissance du livre de Vanessa Springora, où chaque mot sert de pinceau pour peindre une réalité complexe et douloureuse, peut-être trop nuancée et personnelle pour être pleinement capturée par une simple caméra.
Source : Dossier de presse – Le Consentement (Unifrance)