Critique : Le Successeur

Date de sortie
21 février 2024
Réalisation
Xavier Legrand
Casting
Marc-André Grondin, Yves Jacques, Anne-Elisabeth Bossé...
Durée
1h52
Genre
Drame
Nationalité
France, Canada, Belgique

Synopsis

« Heureux et accompli, Ellias devient le nouveau directeur artistique d’une célèbre maison de Haute Couture française. Quand il apprend que son père, qu’il ne voit plus depuis de nombreuses années, vient de mourir d’une crise cardiaque, Ellias se rend au Québec pour régler la succession. Le jeune créateur va découvrir qu’il a hérité de bien pire que du coeur fragile de son père. »

Dès son premier film Jusqu’à la garde (2018), véritable choc qui avait laissé KO la critique comme le public, Xavier Legrand a non seulement montré des talents de metteur en scène prometteurs, mais a surtout prouvé qu’il fallait compter sur lui pour les années à venir.

Six ans ont passé, une longue attente pendant laquelle une question brûlante a subsisté : comment Legrand allait-il réussir à reproduire ce premier coup de maître ? La réponse nous est offerte avec Le Successeur, un titre évocateur qui porte en lui le poids de l’héritage et la promesse d’un renouveau. Loin de fléchir sous la pression du fameux “second film”, Legrand nous livre une œuvre qui, loin d’être un nouvel essai timide, se révèle être un nouveau tour de force.

Dès les premières minutes, Le Successeur impose son ambiance étouffante avec une séquence d’ouverture magnétique, où la caméra, jouant sur les distances, dévoile progressivement une scène de défilé de mode hypnotisante (littéralement). Cette entrée en matière, à la fois mystérieuse et élégante, donne le ton d’un film qui ne cessera de surprendre et d’intriguer. Legrand, maîtrise chaque engrenages de son film, orchestre chaque plan avec une précision chirurgicale, et transforme un simple récit d’une famille morcelée en une expérience cauchemardesque.

Acteur emblématique du cinéma québécois, et révélé notamment en 2005 dans le culte C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée, Marc-André Grondin incarne ici un personnage profond et nuancé. Ellias Barnes, figure à la fois énigmatique et fascinante, est un homme tiraillé entre différentes sphères de sa vie : sa réussite professionnelle dans l’univers de la mode et les tourments d’un passé familial obscur qui ne cessent de le tourmenter. La complexité d’Ellias réside dans cette dualité, entre la lumière des projecteurs et les parts d’ombre qui caractérisent son existence.

Au cœur du film, la question de la morale et des choix du personnage d’Ellias Barnes constituent un fil rouge qui traverse l’ensemble du récit, engageant constamment le spectateur dans une perpétuelle remise en question : révéler ou non les sombres secrets de sa famille qui pourraient définitivement ruiner sa carrière, mais apporter la paix à son être intérieur.

Le film, par la complexité de son personnage principal, invite à une réflexion sur la relativité de la morale dans des situations où les choix peuvent avoir des conséquences irréversibles. Ellias se trouve à plusieurs reprises à des carrefours décisifs, où chaque décision reflète et façonne sa moralité. Xavier Legrand prend un malin plaisir à jouer continuellement sur cette corde sensible, plaçant le spectateur dans une position d’observateur actif, et à se questionner sur ce qu’il aurait fait à la place du personnage.

La façon dont Legrand explore subtilement cette dualité, évite de porter un jugement clair sur les actions d’Ellias, et essaye plutôt de capter toute la complexité de ses actes. Cette approche permet au film de transcender le cadre du simple thriller, pour devenir un passionnant questionnement moral.

Là où Jusqu’à la Garde nous accompagnait progressivement vers un final inévitable, Le Successeur se veut plus imprévisible, optant à plusieurs reprises pour la carte du “twist”. Survenant à un instant clé du récit, où le spectateur croit pouvoir anticiper la direction du scénario, ces retournements de situation viennent bouleverser toutes les attentes que le spectateur avait pu forger jusque là. Fruit d’une mise en scène subtile et réfléchie, chaque twist est distillé tout au long du film avec une intelligence et une précision épatante.

Indéniablement, ces changements de direction diviseront. Certains spectateurs pourront légitimement questionner la crédibilité et l’invraisemblance de la narration. Néanmoins, chaque twist est suffisamment bien amené et ancré dans la trame narrative pour être pleinement justifié. Plutôt que de se reposer sur un effet de surprise gratuit, chaque retournement s’intègre naturellement à l’évolution des personnages et de l’intrigue, enrichissant le récit d’une nouvelle couche de complexité et de profondeur.

Porté par un très grand Marc-André Grondin, Le Successeur est une nouvelle grande réussite pour Xavier Legrand. Véritable descente aux enfers, le film nous étouffe et nous pousse dans nos retranchements, jusqu’à remettre en question une morale que l’on pensait infaillible. Avec seulement deux long-métrages au compteur, Legrand nous prouve qu’il fait déjà partie des plus grands.

Critique : Le Successeur
Conclusion
Porté par un très grand Marc-André Grondin, Le Successeur est une nouvelle grande réussite pour Xavier Legrand. Véritable descente aux enfers, le film nous étouffe et nous pousse dans nos retranchements, jusqu'à remettre en question une morale que l'on pensait infaillible. Avec seulement deux long-métrages au compteur, Legrand nous prouve qu'il fait déjà partie des plus grands.
Pour
Un Marc-André Grondin particulièrement impliqué
Un scénario cauchemardesque prenant
Une mise en scène passionnante
Contre
Quelques invraisemblances scénaristiques pouvant déranger les plus pointilleux d'entre nous
4