Critique : Hors-saison

Date de sortie
20 mars 2024
Réalisation
Stéphane Brizé
Casting
Guillaume Canet, Alba Rohrwacher, Sharif Andoura...
Durée
1h46
Genre
Drame
Nationalité
France

Synopsis

« Mathieu habite Paris, Alice vit dans une petite cité balnéaire dans l’ouest de la France. Il caresse la cinquantaine, c’est un acteur connu. Elle a dépassé la quarantaine, elle est professeure de piano. Ils se sont aimés il y a une quinzaine d’années. Puis séparés. Depuis, le temps est passé, chacun a suivi sa route et les plaies se sont refermées peu à peu. Quand Mathieu vient diluer sa mélancolie dans les bains à remous d’une thalasso, il retrouve Alice par hasard. »

Ah Stéphane Brizé. Voilà maintenant 3 ans que le réalisateur breton a achevé sa fameuse trilogie du travail, avec La Loi du Marché (2015), En Guerre (2018) et Un autre monde (2021). Une trilogie particulièrement réjouissante, tant elle a su dépeindre avec habileté la réalité du marché du travail, à la fois du côté des travailleurs et de celui des donneurs d’ordres.

Pourtant, la filmographie de Stéphane Brizé s’étend bien au-delà des frontières du milieu ouvrier. Par exemple, au milieu de sa trilogie du travail, Brizé nous offrait une adaptation intimiste de Maupassant, Une vie (2016). Ou encore en 2009, avec Mademoiselle Chambon, où il collaborait pour la première fois avec Vincent Lindon. Une autre adaptation qui lui vaudra d’ailleurs le César de la meilleure adaptation en 2010. Bien loin de la caméra à l’épaule agitée d’En Guerre, avec ces deux drames, Brizé laissait place au silence. Aux personnages silencieux. Aux non-dits.

Et pourtant c’est bien loin d’être le fort du cinéaste. Car si vous ne l’aviez pas encore compris, cette face du cinéma de Brizé est bien loin d’être celle où le cinéaste excelle. Et malheureusement, notre film du jour en fait partie.

Dès les premières scènes, ce Hors-Saison semble vouloir s’aventurer dans un territoire inconnu pour son cinéaste : l’humour (car on ne va pas vous mentir, on ne rigole pas beaucoup chez Brizé). Mathieu, un acteur en crise incarné par Guillaume Canet, représente cette bourgeoisie à la dérive, cherchant rédemption dans une cure de thalassothérapie. Son incapacité à s’adapter à la vie réelle, illustrée notamment par son combat avec une machine à café ou avec un appareil de massage, est censée, apparemment, nous arracher un sourire. Mais cet enchaînement de scénettes burlesques frôle surtout la ringardise caricaturale, tant l’on semble voir dans Guillaume Canet notre paternel dépassé par « cette maudite technologie ! »

L’introduction d’Alice, interprétée par la grande Alba Rohrwacher, amour perdu puis retrouvé le temps d’un séjour, est censée être le rayon de soleil face à la déprime de Mathieu. Canet et Rohrwacher font de leur mieux avec ce qu’ils ont, mais le film peine à leur offrir la place qu’ils méritent. Rohrwacher tente de sauver les meubles avec une performance tout en subtilité, malheureusement noyée dans un script qui ne rend pas hommage à ses talents d’interprète. Leurs personnages, plutôt que de servir de vecteurs à une critique sociale d’une certaine bourgeoisie qui aurait pu être tout à fait pertinente, se retrouvent piégés dans un récit qui peine à définir son propre message.

Co-écrit par Marie Drucker (que l’on avait déjà pu découvrir chez Brizé dans Un autre monde), le scénario d’Hors Saison ne nous offre aucune séquence vraiment marquante. Les dialogues, volontairement appauvris (puisque Brizé semble à nouveau vouloir faire du Lelouch) finissent par nous ennuyer profondément. La tentative de créer une atmosphère romantique s’enlise dans des échanges stériles, et les longues promenades au bord d’un océan tempétueux sous le brouillard breton ne font qu’accentuer ce sentiment d’égarement, tant pour les personnages que pour le spectateur.

Reste tout de même la partition omniprésente de Vincent Delerm qui nous captive suffisamment pour ne pas sombrer définitivement.

Là où Brizé a autrefois su capturer l’essence de la lutte ouvrière et sociale avec précision et empathie, il peine à transmettre une quelconque émotion avec son Hors Saison. Brizé semble bien plus à l’aise à filmer des vies à la marge, des individus en proie à des difficultés tangibles, où chaque geste, chaque parole porte le poids du réel. C’est dans ce terrain, riche en humanité et en résonance sociale, que Brizé a prouvé par le passé qu’il pouvait non seulement captiver, mais aussi émouvoir. Ennuyant sur tous les plans, ce Hors Saison nous laisse donc espérer une chose : retrouver Stéphane Brizé loin de ses égarements bourgeois.

Critique : Hors-saison
Conclusion
Là où Brizé a autrefois su capturer l'essence de la lutte ouvrière et sociale avec précision et empathie, il peine à transmettre une quelconque émotion avec son Hors Saison. Brizé semble bien plus à l'aise à filmer des vies à la marge, des individus en proie à des difficultés tangibles, où chaque geste, chaque parole porte le poids du réel. C'est dans ce terrain, riche en humanité et en résonance sociale, que Brizé a prouvé par le passé qu'il pouvait non seulement captiver, mais aussi émouvoir. Ennuyant sur tous les plans, ce Hors Saison nous laisse donc espérer une chose : retrouver Stéphane Brizé loin de ses égarements bourgeois.
Pour
La bande-originale de Vincent Delerm
Contre
Notre premier gros sommeil de 2024
Un film qui semble vouloir ne rien raconter
Une introduction comique particulièrement ringarde
1.5