Synopsis
« Amoureuse de peinture et de poésie, Mireille s’accommode de son travail de serveuse à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville tout en vivant de petits larcins et de trafic de cartouches de cigarettes. N’ayant pas les moyens d’entretenir la grande maison familiale des bords de Meuse dont elle hérite, Mireille décide de prendre trois locataires. Trois hommes qui vont bouleverser sa routine et la préparer, sans le savoir, au retour du quatrième : son grand amour de jeunesse, le poète. »
Il aura fallu attendre 10 longues années avant que notre Yolande Moreau nationale retrouve le chemin de la réalisation. Après deux expériences atypiques dans la fiction relativement discrètes (Quand la mer monte, 2004 et Henri , 2013), et un passage par le documentaire (Nulle part en France, 2016), Yolande Moreau ressort sa caméra pour La Fille du poète, une comédie sociale et poétique empreint d’une profonde intimité, si caractéristique du cinéma de sa réalisatrice.
La Fiancée du Poète, se veut être une exploration de l’amour pour les marginaux, ces âmes égarées qui cherchent un sens à leur existence à travers des rêves et des utopies partagées. Moreau, fidèle à son affection pour les personnages atypiques, endosse ici le rôle de Mireille, une femme qui, après des années d’errance, ouvre la grande demeure familiale à une communauté hétéroclite dans l’espoir d’arrondir ses fins de mois. Ce geste, à la fois généreux et désespéré, est le prélude à un récit qui oscille entre mélancolie et tendresse, solitude et solidarité.
Le film, cependant, semble peiner à trouver son rythme, oscillant entre une volonté de capter l’insolite et la poésie du quotidien, et une certaine lourdeur dans sa réalisation. L’apparition de William Sheller à l’écran en prêtre fan de ABBA (une reprise de Gimme! Gimme! Gimme! à l’orgue, sans doute la meilleure séquence du film), ne parvient pas à insuffler l’énergie nécessaire pour surmonter un certain déséquilibre dans la narration.
Au cœur de ce long-métrage réside une contradiction palpable : la quête d’une utopie communautaire réconfortante et la réalité d’une solitude inaltérable. Mireille, personnage central, incarne cette dualité. Son retour dans la demeure familiale en plein cœur des Ardennes, est finalement loin d’être le havre de paix espéré, et devient plutôt le théâtre d’une introspection mélancolique sur l’amour perdu et sur les illusions d’une vie meilleure. Le film souffre de cette indécision, se perdant entre la comédie douce-amère et le drame intime.
Pourtant, malgré ses maladresses évidentes, La Fiancée du Poète n’est pas dénué de charme. Il y a dans ce film une tendresse indéniable, un regard bienveillant sur ses personnages, qui, malgré leurs failles et leurs égarements, forment une mosaïque humaine réjouissante. L’alchimie de cette galerie de personnages incarnés entre autres par Esteban, Grégory Gadebois, Thomas Guy ou encore Sergi Lopez, participe à l’incarnation d’une étrange mais bienveillante troupe de naufragés de la vie.
Les moments de joie collective et les petits bonheurs partagés de ce petit groupe de faussaires, apportent une lumière bienvenue, même si ils peinent parfois à percer la mélancolie ambiante. Avec ce film, Yolande Moreau confirme son intérêt pour les récits à la marge, ceux qui peignent les petites victoires et les grandes désillusions de l’existence. La Fiance du Poète reste un témoignage sincère d’une cinéaste qui cherche, à travers le prisme de la fiction, à capturer les nuances complexes de la vie, tout en dressant le portraits de personnages atypiques, imparfaits, mais tout aussi attachants.
Entre ses séquences poétiques hésitantes et ses réflexions parfois maladroites, il se dessine tout de même une œuvre touchante derrière La Fiancée du poète. Reflet d’une réalisatrice qui, derrière la caméra comme devant, continue d’explorer avec une curiosité étonnante les méandres de l’âme humaine.