Synopsis
« Le Frère Marie-Victorin se lie d’amitié avec son étudiante Marcelle Gauvreau. Tous deux ont frôlé la mort et partagent le même amour de Dieu et de la nature. Plus tard, elle devient sa collaboratrice. Dans un échange épistolaire qui durera jusqu’à la mort de Marie-Victorin, ils explorent les désirs humains et la « biologie sans voile ». Ce grand amour chaste, l’amour de la flore québécoise pousse Antoine et Roxane, qui les incarnent à l’écran, à s’interroger sur leur propre rapport à l’amour et la Nature. »
16 ans après son seul et unique long-métrage Borderline (2008), la réalisatrice canadienne Lyne Charlebois revient avec Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles, présenté en compétition au Festival du Film Francophone d’Angoulême 2024. Le nouveau film de Lyne Charlebois dépeint une relation épistolaire intense entre le frère Marie-Victorin, figure avant-gardiste du Québec des années 1930, et son étudiante, Marcelle Gauvreau. Alternant entre scènes historiques et contemporaines, le film se veut être une proposition totalement atypique tout en restant fidèle aux lettres originales.
Les segments historiques du film sont sans doute ses moments les plus convaincants. Charlebois parvient à recréer avec une certaine authenticité le Québec de l’entre-deux-guerres, où la religion dominait les mœurs et bridait les élans individuels. Le portrait de Marie-Victorin, incarné par un Alexandre Goyette impérial, rend hommage à un homme passionné par la nature et animé par une volonté de briser les tabous de son époque. Face à lui, Mylène Mackay interprète Marcelle Gauvreau avec une sensibilité qui reflète parfaitement l’innocence mêlée de curiosité intellectuelle et spirituelle de son personnage.
Le long-métrage, parsemé d’images de la flore laurentienne, se dote rapidement d’une atmosphère visuelle poétique bienvenue, afin de ponctuer les échanges épistolaires entre les deux protagonistes. Le film bénéficie également d’une solide direction artistique, notamment la sublime photographie d’André Dufour. La mise en scène de Charlebois au diaposon avec ses deux acteurs participent à l’ambiance contemplative du film, nous offrant quelques moments d’une rare beauté.
Cependant, cette beauté visuelle ne suffit pas à masquer les faiblesses du film, notamment sa structure narrative complexe et parfois déroutante. La décision de Charlebois d’intégrer une mise en abyme, où deux acteurs contemporains jouent les rôles de Marie-Victorin et Marcelle tout en vivant leur propre histoire d’amour sur le tournage, s’avère être une distraction plus qu’un enrichissement.
Cette double narration, bien que potentiellement intéressante sur le papier, finit par affaiblir l’impact émotionnel du récit principal. Les scènes contemporaines, censées faire écho aux thèmes explorés dans le passé, manquent cruellement de profondeur. Elles brisent le rythme du film et détournent l’attention des enjeux émotionnels et historiques pourtant si bien capturés dans les segments des années 1930.
Si le film souhaite s’aventurer sur le questionnement de la sexualité féminine face au poids du conservatisme religieux, cette exploration reste trop en surface, emprisonnée dans un discours qui semble lui-même alourdi par un scénario bien trop sage. Les dialogues, parfois chargés de naïveté et de poncifs, trahissent une difficulté à dépasser l’ambiguïté des personnages, qui s’interrogent sur la sexualité sans jamais vraiment oser la confronter.
Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles nous laisse ainsi sur une impression de frustration, comme si les protagonistes, et par extension le récit, passaient constamment à côté de l’essentiel.