Critique FFA 2024 : Everybody Loves Touda

Date de sortie
18 décembre 2024
Réalisation
Nabil Ayouch
Casting
Nisrin Erradi, Joud Chamihy, Jalila Tlemsi...
Durée
1h42
Genre
Drame
Nationalité
France, Belgique, Danemark, Norvège, Pays-Bas, Maroc

Synopsis

« Yara, une jeune marocaine de 25 ans venue étudier à Paris, n’a pas quitté son domicile depuis plusieurs mois, car elle est agoraphobe depuis son enfance en raison de terribles événements familiaux. Un soir, une mystérieuse apparition vient perturber son quotidien, et l’oblige à revivre ses pires craintes, la poussant au bord de la folie… »

Copyright Les Films du Nouveau Monde / Ali n’Productions

Avec Everybody Loves Touda, présenté en 2024 dans la section Cannes Première du Festival de Cannes, puis en avant-première au Festival du Film Francophone d’Angoulême 2024, le réalisateur franco-marocain Nabil Ayouch continue de peindre avec acuité les contours d’une société marocaine marquée par ses traditions patriarcales. Ce mélodrame poignant, coécrit avec Maryam Touzani, nous plonge dans la vie tumultueuse de Touda, une femme qui rêve de devenir une Cheikha, chanteuse traditionnelle de l’aïta, un genre musical subversif et affranchi des normes sociales.

Touda, magnifiquement incarnée par Nisrin Erradi, est une femme indépendante, mère célibataire d’un petit garçon sourd et muet. Elle vit dans une petite ville de province où elle chante et danse pour survivre, souvent dans des contextes peu reluisants, entourée d’hommes avinés et libidineux. Son quotidien est une lutte constante pour préserver sa dignité dans un environnement qui la marginalise à chaque instant.

Nabil Ayouch capte cette marginalité avec une intensité rare, nous immergeant dans le quotidien de Touda, qui refuse de se plier aux attentes d’une société conservatrice. Son rêve de devenir Cheikha n’est pas seulement un caprice artistique, mais un acte de résistance, un moyen de revendiquer son droit à exister en tant que femme libre, maître de son corps et de son destin.

Nabil Ayouch met en scène ce combat avec une énergie vibrante, s’appuyant sur une mise en scène qui épouse le rythme frénétique de la vie de son héroïne. Les plans serrés, la caméra qui semble fusionner avec le corps de Touda, les couleurs chaudes et le montage nerveux créent une atmosphère immersive, presque suffocante, qui reflète l’urgence de sa quête de liberté.

Au milieu du film, Touda décide de quitter sa petite ville pour Casablanca, espérant y trouver la reconnaissance artistique et la dignité qu’elle mérite. Ayouch dépeint Casablanca comme un lieu à la fois de possibilité et de désillusion. Les scènes où Touda tente de percer dans ce nouvel environnement sont empreintes de mélancolie, soulignant la difficulté pour une femme de se faire une place dans un monde dominé par les hommes. La caméra, toujours aussi proche de Touda, capte chaque moment de doute, chaque déception, avec une sensibilité désarmante.

Everybody Loves Touda n’est pas seulement le portrait d’une femme ; c’est aussi une déclaration d’amour à la culture marocaine, et plus particulièrement à la tradition musicale de l’aïta. Les scènes de chant, moments de liesse et d’exultation, sont autant d’hommages à ces artistes femmes, les Cheikhates, qui ont su préserver un patrimoine culturel riche malgré les contraintes d’une société souvent hostile.

Nabil Ayouch célèbre ces femmes avec une tendresse palpable, tout en ne cachant rien des difficultés qu’elles doivent affronter. Le film met en lumière l’hypocrisie d’une société qui admire et désire ces femmes libres, tout en les réduisant à des objets de convoitise, des corps à posséder.

Critique FFA 2024 : Everybody Loves Touda
Conclusion
Everybody Loves Touda est un film puissant, porté par la géniale Nisrin Erradi, qui incarne avec justesse et intensité cette femme en quête de dignité et de liberté. Nabil Ayouch, en retraçant le parcours de Touda, délivre un cri de révolte qui résonne bien au-delà des frontières du Maroc.
Pour
Un retour en force de Nabil Ayouch
La performance remarquable de Nisrin Erradi
Une déclaration d'amour à la culture marocaine et à la tradition musicale de l’aïta
Contre
4