Synopsis
« Thelonious “Monk” Ellison, professeur d’anglais, écrit un roman satirique sous un pseudonyme, dans le but de dénoncer les hypocrisies de l’industrie de l’édition. »
Sorti en salle en 2023 aux États-Unis, American Fiction a fait l’objet d’une sortie discrète sur Prime Video en France le 27 février, quelques semaines avant la prochaine cérémonie des Oscars, sans la moindre promotion notable. Cette stratégie de distribution, quoique peu surprenante au vu de sa position d’outsider face à des mastodontes comme Oppenheimer, révèle néanmoins le peu d’espérance mis au cœur du projet.
Adapté du roman Effacement de Percival Everett, publié en 2001, le film est le premier long-métrage de Cord Jefferson, un scénariste ayant contribué à des gros succès télévisuels comme Master of None, The Good Place, Watchmen, ou encore Succession.
American Fiction nous dépeint la vie tumultueuse de Thelonious “Monk” Ellison, un intellectuel afro-américan interprété avec justesse par Jeffrey Wright (que l’on aimerait voir bien plus souvent endosser le premier rôle). Personnage complexe, Monk se heurte au carcan étroit des attentes raciales dans le monde de la publication. Le film dépeint avec ironie le parcours de cet auteur à contre-courant dont l’œuvre satirique, destinée simplement à parodier les stéréotypes raciaux, se transforme en succès inattendu, piégeant ainsi son créateur dans le rôle qu’il cherchait à dénoncer.
Le film surprend lorsqu’il embrasse pleinement sa vocation de pure satire. Les dialogues, sculptés avec une certaine finesse et intelligence, égratignent le milieu artistique, obnubilé par son image prétentieusement progressiste. Le scénario s’aventure dans une critique cinglante de la commercialisation de la souffrance, où la sincérité est souvent sacrifiée sur l’autel du succès public et commercial.
Malheureusement, American Fiction perd rapidement de son mordant lorsqu’il dévie de son axe satirique pour s’aventurer dans des trames plus conventionnelles. Les personnages secondaires, bien que portés par un casting plutôt investi, sont réduits à des archétypes grossiers, manquant cruellement de profondeur et de subtilité. Cette caractérisation caricaturale affaiblit l’impact du message central, rendant certains passages plus prévisibles et bien moins engagés.
Les intrigues familiales et amoureuses semblent complètement déconnectées de l’objectif principal du long-métrage, car loin d’enrichir le propos, ces scènes diluent et transforment une satire potentiellement percutante en un mélodrame par moments insipide. Au final, American Fiction est rapidement dépassé par son sujet, ne sachant comment apporter une mise en scène pertinente pour enrichir la portée de son message.
American Fiction joue indéniablement la carte de l’Oscar, avec une recette bien rodée : transformation d’un acteur de second plan en vedette émérite, intrigue méta réfléchissant sur son propre art, et une pincée de mélodrame. Mais en voulant cocher toutes les cases du succès oscarisé, American Fiction s’égare, et perd de vue l’authenticité de sa critique initialement prometteuse.
American Fiction est un film bien frustrant. Le film se présente comme une rébellion contre une certaine hypocrisie progressiste, mais se révèle surtout être une pétition bien polie. Alors, arrivé au terme du long-métrage, on ne peut que remercier le film d’avoir été suffisamment sympathique pour nous faire passer un bon moment, tout en se demandant si la satire n’aurait pas gagné à être un peu plus tranchante, un peu moins embourbée dans le désir de plaire au plus grand nombre. Car derrière cette vaine tentative de bousculer les codes, se cache assurément un film bien plus grinçant.